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Que la France était belle !
Que la France était belle !
Un témoignage, un soir au Pérou...
Je risquais de choquer avant qu'on ne m'ait lu, je n'ai donc pas achevé mon
titre : Que la France était belle au soir de Diên Biên Phu, le soir du 8 mai 1954 ! Voici comment j'ai vécu cette journée, l'inoubliable souvenir qu'elle m'a laissé.
J'avais 27 ans. Avec mon équipe, je campais depuis trois mois au Pérou, sur les bords du lac Titicaca, à 4 000 mètres d'altitude, dans les Andes. J'y jouais à l'explorateur, ce qui est une façon, comme chacun sait, de se découvrir soi-même. Mon prétexte : étudier la vie des Indiens pêcheurs du lac, pauvres hères en haillons, toussant à fendre l'âme dans ce climat glacial et qui s'aventuraient sur l'eau avec leurs barques de roseaux.
Leur village s'appelait Chimu, un hameau de torchis à une quarantaine de kilomètres de Puno, la "capitale" de la province, par une piste presque impraticable à l'époque.
J'y avais installé mon camp, trois grandes tentes en carré, le camion sur le quatrième côté et au centre, au sommet d'un mât tubulaire, le drapeau français, hissé chaque matin et rentré chaque soir : j'étais patriote, je tenais aux formes. Je n'ai pas changé, par-dessus toutes les latitudes. Et les autorités de Puno savaient que nous étions français.
Là-haut, nous nous sentions isolés sur une île. C'est pour cela que nous étions venus … Jusqu'au jour où, par la puissante radio du camion, enjambant la moitié de la terre, nous nous mîmes à ne plus penser qu'à des prénoms de femmes : Gabrielle, Béatrice, Françoise, Claudine, Anne-Marie, et surtout Eliane, Huguette, Dominique et la distante Isabelle, souvenez-vous !
Elles changeaient de mains, se mouraient l'une après l'autre. Les points fortifiés du camp retranché de Diên Biên Phu !
Et puis, le 8 mai 1954, le silence. Isabelle expira la dernière. Et moi, dans ce coin perdu des Andes, serré avec mes compagnons autour du récepteur, glacé, les larmes aux yeux …
Alors il se fit un bruit sur la piste qui venait de Puno, un fracas grandissant de moteur et de ferraille. Deux vieux camions militaires hors d'âge, peinant dans les fondrières sous un nuage de poussière et de grésil …
En descendirentdouze marins péruviens vêtus de blanc, en armes, car Puno, sans navires de guerre, n'en est pas moins port militaire à 4 000 mètres d'altitude !
Une fois qu'ils se furent alignés, le fusil présenté à bout de bras, descendirent à leur tour des camions des personnages d'allure grave, la tunique constellée de décorations, surmontés d'immenses casquettes chamarrées, sabre ou poignards leur battant le côté, le colonel gouverneur de la province, le capitaine de vaisseau commandant la base, le colonel de la « guardia civile », tous suivis d'aides de camp, et un petit homme à visage d'indien, cravaté de noir et tenant à la main, comme un sceptre, une longue canne à pommeau d'argent : l'alcalde de Puno.
Ce fut lui qui prononça le discours, quelques mots très tristes, très amicaux, très sincères : eux, les autorités de Puno, ils souffraient pour la France, ils souffraient pour nous, Français, ils étaient venus nous le dire. Le clairon de la marine sonna "aux morts", à la péruvienne, tandis que tous saluaient le drapeau. Ils avaient enfilé leurs gants blancs, ils nous serrèrent la main. Après quoi tous s'en furent et leurs camions sur la piste disparurent lentement, emportant leur amitié. Je ne l'ai jamais oublié.
Mais je veux qu'on me dise, aujourd'hui, lorsque les derniers pays du monde libre replient leurs derniers guerriers, perdent leurs dernières batailles et pleurent leurs derniers morts, qui, désormais, dans ce monde, ose encore les honorer, ou simplement les saluer ! on n'entend plus que des vociférations de haine, des tumultes de joie mauvaise, sur toute la surface de la terre et jusque dans nos propres patries, satisfaites de se renier.
Vingt-trois ans ont passé. Que la France était belle …
Jean RASPAIL (1977)
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Je risquais de choquer avant qu'on ne m'ait lu, je n'ai donc pas achevé mon
titre : Que la France était belle au soir de Diên Biên Phu, le soir du 8 mai 1954 ! Voici comment j'ai vécu cette journée, l'inoubliable souvenir qu'elle m'a laissé.
J'avais 27 ans. Avec mon équipe, je campais depuis trois mois au Pérou, sur les bords du lac Titicaca, à 4 000 mètres d'altitude, dans les Andes. J'y jouais à l'explorateur, ce qui est une façon, comme chacun sait, de se découvrir soi-même. Mon prétexte : étudier la vie des Indiens pêcheurs du lac, pauvres hères en haillons, toussant à fendre l'âme dans ce climat glacial et qui s'aventuraient sur l'eau avec leurs barques de roseaux.
Leur village s'appelait Chimu, un hameau de torchis à une quarantaine de kilomètres de Puno, la "capitale" de la province, par une piste presque impraticable à l'époque.
J'y avais installé mon camp, trois grandes tentes en carré, le camion sur le quatrième côté et au centre, au sommet d'un mât tubulaire, le drapeau français, hissé chaque matin et rentré chaque soir : j'étais patriote, je tenais aux formes. Je n'ai pas changé, par-dessus toutes les latitudes. Et les autorités de Puno savaient que nous étions français.
Là-haut, nous nous sentions isolés sur une île. C'est pour cela que nous étions venus … Jusqu'au jour où, par la puissante radio du camion, enjambant la moitié de la terre, nous nous mîmes à ne plus penser qu'à des prénoms de femmes : Gabrielle, Béatrice, Françoise, Claudine, Anne-Marie, et surtout Eliane, Huguette, Dominique et la distante Isabelle, souvenez-vous !
Elles changeaient de mains, se mouraient l'une après l'autre. Les points fortifiés du camp retranché de Diên Biên Phu !
Et puis, le 8 mai 1954, le silence. Isabelle expira la dernière. Et moi, dans ce coin perdu des Andes, serré avec mes compagnons autour du récepteur, glacé, les larmes aux yeux …
Alors il se fit un bruit sur la piste qui venait de Puno, un fracas grandissant de moteur et de ferraille. Deux vieux camions militaires hors d'âge, peinant dans les fondrières sous un nuage de poussière et de grésil …
En descendirentdouze marins péruviens vêtus de blanc, en armes, car Puno, sans navires de guerre, n'en est pas moins port militaire à 4 000 mètres d'altitude !
Une fois qu'ils se furent alignés, le fusil présenté à bout de bras, descendirent à leur tour des camions des personnages d'allure grave, la tunique constellée de décorations, surmontés d'immenses casquettes chamarrées, sabre ou poignards leur battant le côté, le colonel gouverneur de la province, le capitaine de vaisseau commandant la base, le colonel de la « guardia civile », tous suivis d'aides de camp, et un petit homme à visage d'indien, cravaté de noir et tenant à la main, comme un sceptre, une longue canne à pommeau d'argent : l'alcalde de Puno.
Ce fut lui qui prononça le discours, quelques mots très tristes, très amicaux, très sincères : eux, les autorités de Puno, ils souffraient pour la France, ils souffraient pour nous, Français, ils étaient venus nous le dire. Le clairon de la marine sonna "aux morts", à la péruvienne, tandis que tous saluaient le drapeau. Ils avaient enfilé leurs gants blancs, ils nous serrèrent la main. Après quoi tous s'en furent et leurs camions sur la piste disparurent lentement, emportant leur amitié. Je ne l'ai jamais oublié.
Mais je veux qu'on me dise, aujourd'hui, lorsque les derniers pays du monde libre replient leurs derniers guerriers, perdent leurs dernières batailles et pleurent leurs derniers morts, qui, désormais, dans ce monde, ose encore les honorer, ou simplement les saluer ! on n'entend plus que des vociférations de haine, des tumultes de joie mauvaise, sur toute la surface de la terre et jusque dans nos propres patries, satisfaites de se renier.
Vingt-trois ans ont passé. Que la France était belle …
Jean RASPAIL (1977)
Blu- Messages : 145
Points : 13538
Réputation : 6342
Date d'inscription : 09/05/2020
Age : 61
Localisation : Provins
Re: Que la France était belle !
Un récit poignant, un texte émouvant, à laquelle la conclusion apporte un regard encore plus juste.
Bravo à vous et merci du partage
Mais je veux qu'on me dise, aujourd'hui, lorsque les derniers pays du monde libre replient leurs derniers guerriers, perdent leurs dernières batailles et pleurent leurs derniers morts, qui, désormais, dans ce monde, ose encore les honorer, ou simplement les saluer !
LACITA- Messages : 79
Points : 9525
Réputation : 3228
Date d'inscription : 03/10/2019
Age : 50
Localisation : Oradour
Re: Que la France était belle !
Un récit poignant pour qui aime son pays !! Il faut le raconter comme parfois mes anciens du 3eRPC, ceux revenus des camps ou d'autres endroits pas du tout fraternels nous en disaient quelques bribes!! Ceux de 39/45, ceux de Corée et ceux d'Indo, rescapés de Dien Bien Phu, comme Sentenac !!
junker- Messages : 472
Points : 22272
Réputation : 8953
Date d'inscription : 09/12/2018
Age : 84
Localisation : Deux-Sèvres
Re: Que la France était belle !
QUE MON PAYS ETAIT BEAU ! ! ! !
qui, désormais, dans ce monde, ose encore les honorer, ou simplement les saluer ! on n'entend plus que des vociférations de haine, des tumultes de joie mauvaise, sur toute la surface de la terre et jusque dans nos propres patries, satisfaites de se renier.
vent du sud- Messages : 103
Points : 18363
Réputation : 3714
Date d'inscription : 01/05/2017
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